Des femmes inspirantes

Débora et Houlda

photo Lucie Lepine

Par Lucie Lépine

Des femmes inspirantes

24 novembre 2021

Photo : Débora, juge en Israël. Gravure de Gustave Doré (domaine public).

L’Israël ancien a beau être une société essentiellement patriarcale, les textes qu’il a rédigés témoignent quand même de l’influence de femmes qui ont marqué son histoire. C’est la moindre des choses, tout en se gardant d’exagérer leur importance, que d’en conserver le souvenir. En voici deux qui méritent qu’on parle d’elles.

 

Débora : dirigeante, juge et prophétesse

 

Après la libération de l’Exode, les Israélites occupent les territoires les plus pauvres de Canaan. Ils sont aussi victimes des puissants rois étrangers. Aussi le peuple appelle-t-il à l’aide Débora, une cheffe de clan qui, en tant que telle, est responsable de rendre la justice. C’est une femme qui a de l’envergure et de la vision, ce qui lui vaut le titre de prophétesse. Elle ne craint donc pas de sortir des sentiers battus, aussi les gens ont-ils confiance en elle.

 

 En ce temps-là, Débora, une prophétesse, femme de Lappidôt, était chef sur Israël. Elle siégeait dans la montagne d’Éphraïm, sous le palmier de Débora, entre Rama et Rachel, et les Israélites montaient vers elle pour obtenir justice.

 

[Jg 4,4-5]

 

Donnant suite à l’appel du peuple, Débora envoie chercher un homme de guerre du nom de Baraq, et lui demande de mobiliser une armée pour lutter contre un dangereux voisin, le puissant roi Yavîn, dont les armées, conduites par l’habile Sisera, font des ravages en Israël. La réponse de Baraq est surprenante pour l’époque :

 

 Je le ferai seulement si tu viens avec moi, sinon je n’y vais pas.

[Jg 4,8]

 

Débora accepte, tout en déclarant que le général Sisera mourrait par la main d’une femme. Au cours de la bataille, elle se conduit en chef d’État, tandis que Baraq lui obéit en tant que général de ses armées. Suivant donc ses directives, il attaque et sème la panique dans les rangs de l’armée ennemie.

En fuite, Sisera cherche à sauver sa vie en se cachant dans la tente de Yaël, la femme d’un allié. Celle-ci le reçoit avec affabilité, lui apporte de l’eau et le dissimule sous une couverture. Une fois le grand soldat endormi, cependant, Yaël prend un marteau d’une main, un piquet de la tente de l’autre, et enfonce le bois dans la tête de Sisera.

Dans ce passage du livre des Juges, il est remarquable que le peuple et, en particulier, les soldats reconnaissent Débora comme leur chef, leur juge et leur prophétesse. Elle démontre assez d’autorité pour que les fils d’Israël la consultent pour arbitrer leurs conflits. L’exemple de Débora est une belle illustration de la responsabilité du chef d’État d’entretenir de bonnes relations avec la divinité.

C’est parce qu’elle est à l’écoute de Yhwh qu’elle peut donner ses ordres, dicter le tempo de la bataille, décider du bon moment pour attaquer, ou annoncer comment mourra le général ennemi.  Si le peuple reconnaît l’autorité de Débora, c’est qu’il sent que celle-ci met toutes ses qualités à leur service, et qu’il y a une complicité entre la divinité et elle.  Les gens sont donc prêts à tout faire pour elle, passant par-dessus l’anomalie sociale que constitue le cas de cette femme installée au sommet de la hiérarchie, et forcée, par les événements, à se conduire comme une femme de guerre. C’est ce qu’exprime très bien le Cantique de Débora, une des pages les plus anciennes de toute la Bible :

 

Les chefs manquaient, ils manquaient en Israël

jusqu’à ce que tu te sois levée, mère en Israël

éveille-toi, réveille-toi, Débora !

éveille-toi, lance un chant, réveille -toi !

[Jg 5,7.12]

 

Houlda : prophétesse

 

Au temps du roi Josias, on découvre les livres de la Loi perdus sous le règne de Manassé. Le roi se rend bien compte que le peuple n’observe plus les prescriptions de la Loi depuis des décennies. Quoi faire pour réparer toutes ces désobéissances à Yhwh? La situation est grave, il faut consulter une personne de confiance. Une délégation est donc envoyée approcher la prophétesse Houlda qui vit à proximité du Temple. Celle-ci annonce les malheurs qui vont frapper le peuple parce qu’il a abandonné son Dieu.

Le roi Josias pend au sérieux les menaces formulées par cette femme, et il entreprend de faire appliquer la Loi. Il invite le peuple à observer l’Alliance, il fait sortir du Temple tous les objets qu’on avait fabriqués en l’honneur d’autres dieux que Yhwh, et il ordonne de les brûler. Puis il fait démolir les maisons des prostituées sacrées qui étaient dans la Maison du Seigneur, et il donne l’ordre de célébrer la Pâque. Yhwh se montre sensible à la nouvelle politique que Josias a entrepris de mettre en œuvre, et, conséquence de la considération qu’il a eue pour la prophétesse, tous les malheurs annoncés sont reportés indéfiniment (2 R,22-23).

Le récit est situé dans le contexte de la centralisation du culte à Jérusalem, et de la mise en forme de la Torah (Pentateuque), deux événements majeurs dans la vie de la Judée.  Il n’est donc pas anodin que le texte raconte le rôle important joué par une prophétesse dans la mise en œuvre de ces réformes.

 

À PROPOS DE LUCIE LÉPINE

Après une carrière en enseignement au primaire et au secondaire, Lucie s’est impliquée au sein des groupes communautaires comme le Carrefour Familial Hochelaga et des associations chrétiennes comme le Centre de pastorale en milieu ouvrier, la Conférence religieuse canadienne et la Fondation de la jeunesse ouvrière, entre autres. Lucie a fait des études bibliques à l’Université de Montréal et aime la vitalité culturelle montréalaise.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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